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15.03.2015

Au commencement

 

au début

au commencement du commencement

le ciel et la terre se touchaient

le ciel et la terre étaient soudés l’un à l’autre

et l’homme était un animal horizontal

un animal heureux

 

un jour

un homme s’est levé

il s’est dressé de toute sa hauteur

et en repoussant le ciel vers le ciel

et la terre vers la terre

il les a dessoudés l’un de l’autre

 

maintenant

ses pieds pouvaient se poser sur la terre

et sa tête se perdre dans le ciel

il venait d’inventer la verticalité

la sienne et celle du monde

 

et c’est depuis ce jour

les vieilles légendes le prétendent

que l’homme devenu un animal vertical

est un animal malheureux

 

31.01.2015

Tout était bien mieux (quand tout était pire)

 

j’ai construit des chevaux en panne

des oiseaux avortés

des tours et des ponts de boucane

des armées désarmées

pour ma peine pour mon labeur

pour me récompenser

ils m’ont coupé la main du cœur

fait de moi un droitier

 

tout était bien mieux

quand tout était pire

tout était bien mieux

quand tout était pire

 

j’ai eu des yeux de fin du monde

des habits de folie

quand la lumière était immonde

et la mort une amie

j’ai vu la vulve de la chienne

qui se prend pour la vie

j’ai ri de cette fausse reine

j’ai craché dans son lit

 

tout était bien mieux

quand tout était pire

tout était bien mieux

quand tout était pire

 

j’ai fait la queue chez les femmes

j’ai pénétré partout

j’aurais voulu toucher leur âme

comme on touche un bijou

mais ces machines sont un piège

je l’ai vu il est mou

elles volent les forces les désagrègent

elles en font de la boue

 

tout était bien mieux

quand tout était pire

tout était bien mieux

quand tout était pire

 

l’avenir était mieux dans le passé

c’est là qu’il aurait dû rester

 

j’ai dansé dans le dépotoir

avec tes vieux jouets

tes règles tes dieux tes miroirs

ton argent tes objets

tu es un animal jetable

tes rêves des déchets

un orignal épormyable

me l’a dit je le sais

 

tout était bien mieux

quand tout était pire

tout était bien mieux

quand tout était pire

tout était bien mieux

quand tout était pire

tout était bien mieux

quand tout était pire

30.01.2015

L'océan

 

je voudrais m’acheter un océan

juste un ça serait suffisant

un océan de couleur normale

quelque chose de propre

pour faire changement

un océan bien situé

en plein air

au bord de l’eau

de préférence

quelque chose de grand

et même de très très grand

un océan à pas pouvoir voir

de l’autre bord

même en regardant très très longtemps

un océan avec juste un bord

et un petit poisson dedans

et une sirène aussi

pour faire peur aux voleurs

et aux méchants

je voudrais m’acheter un océan

et le dire à personne

et me jeter dedans

29.07.2014

Lamento

 

j’ai mis les habits de l’homme barbelé

j’ai mis ses gants qui sont d’ongle et d’acier

j’ai pris la figure de mon ennemi

le vin ne veut pas de moi cette nuit

 

ils sont tous assis autour de la table

on dirait des dieux au fond d’une étable

ce sont des regrets c’étaient des amis

le vin ne veut pas de moi cette nuit

 

c’est encore et toujours la même histoire

entre les veines et le vieux rasoir

je n’ai pas d’excuse pas d’alibi

le vin ne veut pas de moi cette nuit

 

je mendie des mots à ce chien qui dort

s’il sortait de lui il chierait de l’or

il tuerait le mort qui me tue sans bruit

je reparlerais je serais comme lui

le vin ne veut pas de moi cette nuit

 

qui est l’insensé qui jouait au fou

il brûlait la beauté par les deux bouts

il faut être sage comme une momie

le vin ne veut pas de moi cette nuit

 

remets ton masque reprends ton couteau

rallume le noir de toute ta peau

oh fais-moi souffrir oh viens dans mon lit

le vin ne veut pas de moi cette nuit

24.07.2014

Le cirque du sommeil

 

les autos sont remplies

de cadavres et de pluie

j’ai un trou dans mon bas

les néons sont si las

que je prenne la couleur

de l’absence pour une heure

que je boive la bouteille

dans le cirque du sommeil

 

les épis qui m’haïssent

les mots qui me maudissent

les poissons qui m’arrêtent

les crétins qui m’écrêtent

ça va bien tout est su

tout est du déjà-vu

c’est le même du pareil

dans le cirque du sommeil

 

les rues tombent dans la nuit

mon cœur est un taudis

tu t’appelles Singapour

et tu vends de l’amour

montre-moi ta blessure

dans la chambre de torture

jette ton appareil

dans le cirque du sommeil

 

Père Noël Père Noël

apporte-moi des bebelles

j’en ai eu j’en veux plus

fourre-toi-les dans le cul

qu’on me laisse me coucher

sous mon arbre débranché

comme se couchent les soleils

dans le cirque du sommeil

 

je m’injecte dans les veines

le temps gris de ma peine

avec la grande aiguille

d’une montre qui scintille

quel sommet de bassesse

la vie passe tout me blesse

le pays des merveilles

c’est le cirque du sommeil

22.07.2014

L'Eldorado

 

ces villes sont des usines

où vivent des machines

les yeux mangés par des vitrines

 

là-bas la terre est vierge

elle brille comme un cierge

elle t’appelle depuis l’autre berge

elle t’appelle depuis l’autre berge

 

le bateau dans ta tête

est fait pour cette quête

tu es un homme pas une bête

 

la mission est secrète

ton âme la sécrète

c’est la victoire dans la défaite

c’est la victoire dans la défaite

 

conquistador tu rêves

la nuit est froide et brève

tu la fécondes de ta sève

 

tu portes ton empire

pour rien ou pour bien pire

tu es devenu ton navire

tu es devenu ton navire

 

escalade les montagnes

vaisseau fantôme d’Espagne

et que la folie t’accompagne

 

par-dessus les nuages

se trouve le passage

le ciel est aussi un rivage

le ciel est aussi un rivage

 

le grand serpent à plumes

le vois-tu dans la brume

tes yeux qui brûlent s’y consument

 

 

il n’y a pas de carte

il faut que tu repartes

plus tu cherches plus tu t’écartes

plus tu cherches plus tu t’écartes

 

et si la terre est ronde

où est le bout du monde

là où on dit que l’or abonde

 

que nous veut ce manège

l’enfer n’est-il qu’un piège

et l’Eldorado fait de neige

et l’Eldorado fait de neige

17.07.2014

Vieil ange minuit

 

dans un salon tout au fond d’un lac

le mur est mou la nuit se détraque

j’ai mis le feu au rideau de pluie

reviens me voir vieil ange minuit

 

j’entends la femme qui descend du singe

elle a des pouces plein les méninges

elle est si pâle qu’elle salit la nuit

elle t’insulte vieil ange minuit

 

je ne veux rien je n’aime personne

ni dieu ni maître ni téléphone

je suis ailleurs c’est ce que je suis

je suis comme toi vieil ange minuit

 

mon chien est noir je sais qu’il le sait

s’il saigne c’est de lucidité

qui a le droit d’avoir une vie

et puis pourquoi vieil ange minuit

 

j’ai vu mon ombre j’ai vu son couteau

et le squelette vêtu de mes os

dans le miroir quelqu’un a vomi

quelqu’un nous en veut vieil ange minuit

08.06.2014

Qui viendra à ton secours

 

tu es né jeune et vaste et fier

dans l’incendie de tous tes nerfs

comme si tu n’avais plus de père

tes frères étaient de grands sauvages

armés de livres pour le carnage

tu brûlais de la même rage

mais qui viendra à ton secours

les fous sont-ils fous pour toujours

 

tu t’asilais à pleins poisons

à pleine perte de ton nom

à chiens hurlés de déraison

pour être à toi seul plus nombreux

que les cravates des messieurs

qui puent l’argent et sont heureux

mais qui viendra à ton secours

la vie aussi est un vautour

 

et tu as grandi vers le bas

une lézarde derrière toi

un boulet d’ombre au bout des bras

tu as cassé l’œuf attendu

vécu comme un mort dépendu

perdu le monde rien de plus

mais qui viendra à ton secours

le temps qu’il te reste est bien court

 

il faudra blanchir le palais

la nuit n’est plus ce qu’elle était

quand elle était ton plus beau jouet

et si le jour est l’adversaire

tu joueras aux jeux de la guerre

dissimulé dans la lumière

mais qui viendra à ton secours

quand tu sortiras de la tour

 

revivre au ras de la poussière

sans espérance ni colère

rempli d’orage et nécessaire

et oublier le vieux hibou

la voix gercée du manitou

la suffisance de la boue

mais qui viendra à ton secours

si ton courage est sans bravoure

 

et puis baiser l’Éthiopie

entre ses cuisses attendries

t’en humecter le cœur aussi

méticuleusement aimer

le pays roux de sa beauté

le privilège d’être humilié

mais qui viendra à ton secours

te délivrer de ton amour

14.05.2014

Le dernier métro

 

j’ai pris le dernier des métros

avec la formule et l’anneau

le tonnerre tonnait dans mon dos

desperados esclaves rois

ils étaient mille autour de moi

ça sentait la peur et le rat

Caligula et Kadhafi

Nabuchodonosor aussi

allaient danser au paradis

dans le dernier des métros

 

Leni Riefenstahl et la bonne

pleuraient avec Eva Perón

et la putain de Babylone

ce sont les chiennes du pouvoir

catins cousues d’or et de gloire

leurs mains sont rouges leur cœur est noir

dans leur ventre l’héritier dort

on jettera l’enfant dehors

on les pendra avec les porcs

dans le dernier des métros

 

le prophète est en camisole

ses banquiers boivent du pétrole

il parle le kalachnikov

il a lu le livre d’Adolf

 

Montezuma vend de la poudre

pour acheter le dé à coudre

où mettre le maïs à moudre

monsieur Cortés qui veut son bien

lui dit je connais le chemin

que doivent suivre tous les tiens

qu’ils s’en retournent à l’endroit

d’où ils sont venus autrefois

qu’ils retraversent le détroit

dans le dernier des métros

 

le kamikaze veut s’éclater

George Bush est terrorisé

Kennedy se sent abattu

l’avenir ici est défendu

 

et Brad a dit c’est du joli

et tout le monde a souri

sauf le grand seigneur du parti

il possédait la solution

pour sauver le monde pour de bon

son ennemi avait un nom

avec ses dents faire des lingots

des abat-jour avec sa peau

et du savon avec ses os

dans le dernier des métros

12.05.2014

L'aval des rapides

 

ils vivent bien tranquilles

leurs maisons sont des îles

leur ville est l’archipel

des sans mémoire ma belle

 

et plus rien n’est réel

la reine Jeanne est celle

qui règne en ma fenêtre

ils ne sont plus les maîtres

 

naufragée mon enfance

j’appelle la démence

la vie est si languide

en aval des rapides

 

ni patrie ni famille

ni or ni pacotille

je veux l’encre et la plume

et m’habiller de brumes

 

je vais faire une tête

et faire sa conquête

que danse mon algèbre

debout dans la ténèbre

 

et j’irai m’ivrogner

pour remplir mes souliers

tout est trop plein de vide

en aval des rapides

 

des yeux de mescaline

ça vaut bien l’Argentine

le meilleur est le pire

si vivre est sans délire

 

le monde est ce que j’ose

la nuit la neige est rose

dans la cour de l’école

je suis Rimbaud je vole

 

non jamais je le jure

mûrir comme un vieux mur

je n’aurai pas de rides

en aval des rapides