08.07.2014
Chien d'écrivain / 23 octobre
Chomedey
l’automne
/ toute une journée
passée à tourner en rond
dans le petit appartement humide
à tripoter des livres jaunes
sans avoir le courage de les ouvrir
à tirer et à repousser la chaise
à prendre et à reposer la plume
sur la vieille table de la cuisine
à boire du vin
et à fumer les mauvais cigares du pauvre /
toute une journée passée à se torturer
à se dire que la vie n’est pas assez
qu’elle est et qu’elle sera toujours déficitaire
dans l’absence de l’œuvre
que ce n’est pas à partir de la vie
qu’il faut penser l’œuvre
mais à partir de l’œuvre
qu’il faut rêver la vie
que ce qui compte ce n’est pas la vie
mais l’œuvre
l’œuvre d’abord
et rien que l’œuvre
/ mais quelle œuvre ? /
toute une journée passée
à scruter les exigences de l’œuvre
à se répéter qu’on ignore encore
ce qu’elle pourrait être
ce qu’elle voudrait être
et si seulement elle veut être
toute une journée passée
à se demander ce que l’œuvre voudrait
et pourrait faire de soi
de son passé de sa vie
et si cette vie peut être vue comme une totalité
et si l’on est un être suffisamment unifié
pour prétendre avoir une « vie »
/ toute une longue et terrible journée
passée à tourner en rond
dans le cauchemar du doute
pour finir par se demander
qui vaut la peine d’une œuvre
qui sinon celui qui dit
je voudrais en valoir la peine
j’aimerais pouvoir être celui qui en vaut la peine /
puis sortir comme un fauve malade
comme un Modigliani fou
sortir et aller boire encore
et chasser le rêve dans la nuit sale
et avoir les yeux toujours ouverts
à l’aube
debout dans la lumière
13:00 Publié dans La nébuleuse du crabe | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, poésie québécoise, serge viau, littérature, musique
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